vendredi, février 07, 2014

Les tabous d'un métier en crise

Je suis surpris de n'être plus du tout surpris par le travail toujours plus médiocre des chargés de comptabilité dans le secteur des musiques actuelles. Comme à chaque début de mois, je suis obligé de courir après mes salaires et mener des enquêtes dans des équipes de mauvaise foi et au travail toujours plus flou. Mais que font ces gens? Que ce soit chez un producteur de spectacle ou chez un producteur de disques, la rengaine est la même. D'abord, au début du mois, un petit point bancaire sur les versements. En général, les boites les plus grosses sont en retard. Je laisse passer quelques jours en espérant pouvoir accuser ici un postier, ici un jour férié, puis me rend à l'évidence, comme à chaque début de mois, et m'avoue qu'une fois de plus on m'a, au mieux, oublié, au pire truandé. Des lors, les musiciens savent qu'ils vont devoir réclamer bulletins de salaires, versements et tout un tas d'autres choses. La plupart préfèrent rester dans le flou et attendre que les boites les payent avec un espoir mâtiné de flou. La plupart de ceux là ont même prévu d'être oubliés à tel point qu'ils gardent de coté un fond de roulement tellement épais qu'il représente deux mois de salaires. En cas. Mais pour ma part, et même si je prévois les soucis, je prévois aussi qu'on me paye. Alors oui, j'ai crié, j'ai cassé des objets et j'ai menacé des gens, oui je me suis forgé une réputation de mec pas commode et très insistant. Que ce soit clair, l'argent n'est pas une de mes passions. Mais une parole est une parole. Un contrat est un contrat, devrais je dire, mais la vérité est que c'est la parole que je cherche, pas un bout de papier. Je veux aussi qu'on me respecte autant que j'ai respecté ma partie de l'histoire, lorsque je suis arrivé à l'heure pour un concert, une séance ou autre. Les musiciens, tapis dans la honte et la peur de se faire une mauvaise réputation, n'ose pas taper du poing. Moi si. Parce que je sais qu'au pire des cas j'irai jouer dans la rue et que personne ne m'empêchera jamais de jouer de la musique et d'en vivre. Ce n'est pas un caprice, c'est ma vie et j'emmerde ces boites toujours en retard, j'emmerde ces gros cons qui pensent être les maîtres de la partie. Nous sommes les musiciens, nous apportons la matière première et nous devons la faire respecter, qu'elle ait ou pas un bon gout, c'est notre production. Je ne suis pas cher, je m'accommode de petits cachets si la situation est difficile, mais je veux de la politesse. Je joue souvent gratuitement, ou pour des causes. J'avais posté un statut facebook dans lequel je demandais pourquoi les tourneurs payent en retard. J'avais fait ce post par soutien à certains de mes amis qui avaient une quinzaine de cachets impayés. Ce qui n'est jamais mon cas puisque je passe très vite à la méthode forte. J'avais donc fait ce statut pour eux et aussi pour faire chier les mauvais payeurs à qui j'avais fait passer de mauvais moments. Aucun de mes amis en difficulté n'a bronché suite à ce statut. Ils avaient peur de passer pour des râleurs. D'autres petits fayots, en général attachés à un seul tourneur, étaient venus me contredire. Et quelques tourneurs m'avaient écrit en privé pour dire que leur métier était difficile. Je suis mon propre tourneur. Je connais leur métier. Je n'oserais jamais le comparer au mien. Alors qu'ils fassent pareil. Je connais des tonnes de musiciens attachés à un catalogue de tourneur et qui n'ont aucune date. Combien de temps l'industrie ( si elle existe encore, qu'est ce qu'une industrie sans produits? ) de la musique pop va t elle continuer de nous faire croire qu'elle fonctionne? Aujourd'hui, c'est un passe plat à données personnelles, dirigé par des marques dans une symphonie de cancans. Les plus malins y fixent une douane. Les autres attendent leur tour.

Ciao

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