Apres quelques mixages jeudi matin, je suis parti pour Reims ou j'avais rendez vous avec Clement et Thomas du groupe Alb. Pour boire un verre, d'une part, discuter un peu d'autre part. On ne se voit pas si souvent que çà. J'ai ce projet de me faire accompagner sur scene par Alb pour un de mes prochains concerts a Reims. Nous en avons parlé. Il faut dire que Alb viennent de changer un peu leur line up. Ils viennent de perdre Nico, parti rejoindre The Bewiched Hands on the top of our heads pour de bon. Petit probleme de line up et egalemnt changement de home studio. Alb ont desormais installé leur studio au deuxieme sous sol d'un immeuble de Reims. Un studio qu'ils partagent avec Yuksek. Un paradis du clavier. Clement et Thomas m'ont fait ecouter leur prochain album que je trouve tres bon et un peu plus pop que le premier. Nous avons joué du stylophone, parlé de vieux ordinateurs et de Reims et de sa scene, que j'aime beaucoup. Puis Clement m'a accompagné au magasin "Underground". Le disquaire indé de Reims ou je jouais a 18h30 en total acoustique débranché. J'y étais reçu comme un prince avec des biscuits des ardennes et deux albums en cadeaux. Un Grace Jones et un Dylan. Il y'avait des gens pour assister a ce showcase. Du coup, il y'avait aussi du public pour me voir, le soir, en réel concert à l'Appart Café. J'y ai retrouvé Yuri, tambouriniste des Bewiched Hands On The Top Of Our Heads, qui mixait ce soir là avec d'autres membres de son groupe. J'y ai fait un concert tres energique qui m'a fait douter sur ma guitare. Tout au moins sur le choix de l'instrument. Je commence à avoir envie de jouer de la guitare electrique lors de mes concerts solo et non pas de la guitare folk. A réfléchir. En effet, la sono avait tendance à saturer. Ca rajoutait quelque chose d'urbain. Il y'avait aussi Guillaume Briere, mon ami de The Shoes, puis tout le reste des Bewiched qui revenaient de répétition. A la fin de mon concert, j'ai joué "Ocean Bird" avec Guillaume a la guitare, Clement Alb au clavier, et plein de membres des Bewiched derriere moi a la guitare, au tambourin et aux choeurs. Une vraie secte picarde. J'ai dormi chez Ben, un des guitaristes chanteurs des Bewiched. Le matin je me retrouvais dans son home studio à enregistrer quelques parties de Fender Rhodes pour mon prochain album. J'avais noté dans ma tete quelques tempi de mes chansons actuelles. Cette methode d'archivage de tempo me permet d'enregistrer n'importe quel instrument que je rencontre chez quelqu'un pour peu qu'il ait un home studio numerique. Une fois l'interface lancée, je programme un tempo et peut enregistrer ma partie instrumental. Que ce soit Cubase ou un autre logiciel n'a aucune importance car je repars de chez la personne avec un cdr sur lequel il y'a ma partie. J'ai dans mon telephone portable tous mes tempi de chansons en chantier. Je n'ai plus qu'a respecter ce tempo et attendre de rencontrer un instrument. Chez Ben, il y'avait ce Rhodes un peu saturé. Tous les Rhodes n'ont pas le meme son. Celui ci est presque un Wurlitzer. J'ai enregistré des parties pour trois chansons. Je monterai çà plus tard dans mon home studio. Le tempo etant respecté.
Puis suis parti pour Metz ou je jouais le soir. L'Emile Vache est un lieu super. Un piano, une belle scene, un bon son. L'accueil est parfait. Metz est une tres belle ville avec un spectre germanique vraiment dépaysant. A la gare, on croit deja ne plus etre en France. Il faisait un froid piquant, et les accents sont surprenants. Je viens de faire un gros tour de France ces dix derniers jours. Et de Nimes a Toulouse en passant par Paris, Reims et Metz, j'avoue ne plus trop savoir qui parle quoi. J'ai entendu toutes sortes d'accents.
Apres ma balance, j'ai attendu tres longtemps avant de jouer. Trop longtemps peut etre. La fatigue de toutes mes dates du mois de novembre m'est brusquement tombée dessus. A çà il faut ajouter un gros sentiment de solitude qui est venu doucement se glisser dans la partie la plus melancolique de mon cerveau. Celle en la mineur. Plus aucun rock dans aucun endroit de ma tete ni de mes jambes. Je ne connaissais personne a Metz. J'ai commencé vers 19h00 un gros bilan de toutes ces années de musique. Je n'avais jamais joué à Metz. Et je sais pourquoi. Le milieu musical a tant de fois changé en 15 ans. Il y'a eu ma premiere periode, que certains disent "lofi". J'avais de 16 a 22 ans et je tournais en train en solo. Comme maintenant. Mais j'étais plus jeune, moins costaud, un peu plus frele et surtout j'habitais Bordeaux. Et puis c'etait les années 90, le réseau féroviere etait moins performant. Je me souviens avoir fait 17 heures de train aller et 15 heures retour pour faire la premiere partie de Mathieu Boogaertz en 1996 a Colmar. Dur dur. Avec ma situation géographique et ma jeunesse, je n'avais pas pu jouer dans l'Est de la France, ni meme la Bretagne ou le Nord. Au moment ou je m'installais a Paris en 95, je dus en partir vite pour passer mon bac a Bordeaux. Et puis, il y'a eu la french touch et la house a la fin des années 90. Tres dur de tourner en formule folk a l'epoque. Vers 2000, le rock revenait doucement. J'avais monté un groupe pour m'accompagner, mais un groupe coute cher en tournée. Nous avons donc joué sur les grands axes. Quite a aller jusqu'en Belgique et Hollande meme. En revanche, pas simple d'aller dans le Sud ou etait surtout programmée la musique dite "festive". Et puis entre 2000 et 2008, je sortais des disques sur des labels indépendants underground peu connus. Je décidais de tenir bon, de faire confiance à ces labels quand meme, malgré leurs manques de moyens financiers. Je faisais peut etre 20 dates par an en solo. Le reste du temps, pour ne pas stagner sceniquement, je jouais avec tonnes de projets. En 2007, avec ma signature chez Vicious Circle, je savais que cette situation allait se débloquer. Certes, j'étais inquiet, comme toujours, mais je savais que c'etait le moment d'aller rencontrer d'autres endroits que l'eternel Bordeaux/Paris. Bien sur, Vicious Circle n'est pas non plus une major, mais preuve en est, ma situation s'est vraiment améliorée. Et puis la visibilité qu'offre Disocgraph, le distributeur de Vicious Circle, aide beaucoup. Quant au label, sa promo continue. Le sujet sur moi qu'a réalisé l'équipe de M6 Mobile est diffusé dans 1 200 000 téléphones portables ce mois ci. Ce qui est enorme, je trouve. Tous ces facteurs m'ont aussi fait rencontrer Summery Agency, mon tourneur. Je devrais dire mes tourneuses, Celine et Vanina. Et puis ma nouvelle situation géographique a Paris, me permet aussi de silloner la France, et j'espere, l'Europe, dans pas longtemps.
Cela etant, je me retrouvais tout de meme a Metz, a 31 ans, dans un café magnifique, mais avec aucun public promis pour ma prestation. Et c'est aussi pour çà que je tiens a aller partout en ce moment. J'ai enfin un label, un distributeur et un touneur qui travaillent ensemble sur mon disque. Depuis le temps que j'attends çà, dans mon coin. J'ai enfin la possibilité d'aller le chercher, ce public.
Mais à 19h00, ce vendredi, j'ai eu un coup de mou en pensant à tout çà. Du public, il y'en avait, mais pour le lieu. Ce qui est normal, c'est un lieu charmant, l'Emile Vache. Cependant, je ne connaissais personne. Je reprends mon courage a deux mains avant de monter sur scene au moment ou je vois deux personnes venus me voir jouer. Nicolas d'Epinal et son ami. Tous deux me programment en debut 2009 a Epinal. Le simple fait de les savoir là me nourrit rapidement d'une energie qui me manquait depuis une heure. Mais le trac etait là, lui aussi. Je monte sur scene dans l'indiference totale. Je ratrappe un peu le coup en signalant ma presence et en reprenant mon entrée sur scene. Applaudissements, le concert peut commencer. Je m'applique, j'ai peur, les deux amis venus expres d'Epinal m'intimident. Je perds peu a peu mes moyens. Puis je me rends compe que tout le monde se fout de mon concert. Je tente de calmer le jeu. Rien. Je tente de chanter des chansons en hurlant. Rien. Je joue du clavier, de la guitare, de l'harmonica. Rien. Je lance le lecteur mp3 contenant mes batteries, et donc, du rythme. Rien. Je programme en live mon synthé pour gosse. Rien. Aucune de mes cartes ne marchent. Le piano me regarde: "mec, t'as attendu deux mois pour jouer de moi ici et tu ne viens meme pas me voir?". C'est que jouer du piano veut aussi dire tourner le dos aux gens. Tant pis. C'est vrai, il me tardait de jouer du piano. Pour une fois qu'il y'en avait un. "Europa", "David Cicone". Point. Je reprends la guitare. Un mec est planté devant mon clavier. Ca me derange un peu. Je casse ma corde de mi aigu. Mauvais signe. Puis le sol. Dur dur. Je termine mon concert. Les gens applaudissent et je sens que personne n'a vraiment vu quoi que soit. La preuve, ils veulent un rappel. Apres n'avoir rien écouté. Je propose de revenir un quart d'heure plus tard, cordes changées, et esprit repris. Le mec planté aux claviers me propose de jouer a Nancy, il prends mon mail, je comprends rien. Je change mes cordes. Je suis fatigué. Je reviens sur scene pour une reprise de "Rhiannon" de Fleetwood Mac. Je pense avoir fait ma meilleure version de cette chanson ce soir là. Archi tendu. Je voulais repartir avec des applaudissements et l'impression d'avoir tout donné. Effectivement, une fois mon decor démonté, mes instruments rangés et une discussion vraiment agreable avec les amis d'Epinal (que je salue), me voila en train de m'endormir. Je sais aussi que çà peut passer vite. Insomnie? Les gens de l'Emile Vache sont toujours aussi gentils apres ce concert pourtant moyen. Ils m'emmenent a mon hotel. Il y'a une radio incrustée dans le mur. Une vieille radio des années 30. Elle a connu l'occupation, et a Metz çà a été lourd! Je sens des spectres de la guerre. Ca me derange. Insomnie. Obligé de regarder une rediffusion de Taratata avec Nagui qui presente Zaza Fournier. A la batterie, je vois Laperuque, ce mec que je croise souvent a Main d Oeuvres. "Pourquoi j'y joue pas moi a Taratata? J'aimerais bien y jouer. Comment faire?": insomnie. Et puis finalement non. Gros dodo. J'aurais pas cru. Le lendemain, ballade a Paris. Repos. Repos. Repos.
Ciao.
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